• Hôtel de Beauvais

    Hôtel de Beauvais

     68, rue François-Miron – Paris IVème  -  Métro Saint Paul

     

    Le 26 août 1660, Louis XIV et sa jeune épouse, Marie-Thérèse d’Autriche, entraient solennellement dans Paris.

    La mère du roi, Anne d’Autriche, se trouvait au balcon de cet hôtel, à peine achevé pour le compte de sa première femme de chambre et du mari de celle-ci, Pierre de Beauvais.

    Depuis les façades ont été modifiées.

     Les fondations gothiques

    À Paris, une maison est donnée à l'abbaye de Chaalis en 1243 par une dame du nom d'Éloïse de Palaiseau. Elle possédait deux corps de logis, dont l'un était appelé « l'hôtellerie du Faucon ». Début XIIIe siècle, les abbés de Chaalis font construire, sur l'emplacement actuel de l'hôtel, leur « maison de ville », bâtie à l’emplacement de cette ancienne maison médiévale dont il reste de belles caves gothiques sous le fond de la cour de l'hôtel de Beauvais, datée du xve siècle. Des modifications architecturales ont été apportées au XVIIIe siècle par Robert de Cotte puis Jean-Baptiste de Beausire.

    Hôtel de Beauvais

     L’hôtel de Beauvais, construit de 1656 à 1660, est peut-être le plus singulier des hôtels construits dans le Marais au XVIIe siècle, et sa constructrice, Catherine Bellier, fut un personnage haut en couleurs.

     Sa façade sur rue exprime parfaitement le "Grand Style" du XVIIe siècle français : grandes ouvertures rectangulaires, chainages de pierre à refends pour rythmer la façade, éléments décoratifs peu abondants. Seul l’imposant balcon posé sur des consoles agrémentées de feuille d’acanthes, et les deux vases remplis de fleurs et de fruits (restauration assez fantaisiste car ils ne figuraient pas du tout sur les dessins d’origine) rompent la monotonie de l’ensemble. Au rez-de-chaussée (transformé), on distingue la présence d’anciennes échoppes, ce qui laisse à penser que les propriétaires avaient la volonté de rentabiliser leur projet en se réservant des revenus commerciaux.

     

    Hôtel de Beauvais

     

     Mais c’est l’extraordinaire cour et ses façades, qu’il faut absolument découvrir. L’architecte, Antoine Le Paultre, eut un vrai casse-tête à résoudre... le terrain était très irrégulier et se terminait en pointe. De plus, la tradition française recommandait qu’un hôtel fut construit "entre cour et jardin". Le Pautre prit un parti audacieux : il construisit un logis double donnant sur la rue et sur la cour ; il créa un petit jardin au niveau du premier étage (caché par les appartements donnant sur la cour) afin de respecter la tradition.

    Dans la cour, observez les façades concaves qui ondulent (à cause de la forme de la parcelle) pour se terminer au fond par les communs et au-dessus, la chapelle de l’hôtel coiffée d’un dôme carré. La façade de gauche est en fait une façade en trompe-l’oeil (juste derrière se trouve un immeuble contigu) qui sert d’élément de symétrie à la façade de droite.

    Le morceau de bravoure de l’architecte est le vestibule extérieur, qui repose sur 8 colonnes doriques, surmontées d’une frise de triglyphes et de métopes, ornées d’attributs guerriers et des initiales PCHB... pour Pierre Catherine Henriette Bellier Beauvais, prénoms et noms des constructeurs. L’escalier de pierre n’est pas moins spectaculaire : il est précédé de colonnes corinthiennes et est muni d’une rampe à entrelacs ajourés. Sa décoration sculptée dans la pierre est remarquable : aigles, enfants, sphinges, trophées, masques...

     Catherine Bellier, épouse de Philippe de Beauvais, eut une position sociale importante puisqu’elle fut la première femme de chambre de la reine Anne d’Autriche. Bossue et borgne, elle fut surnommée Catau la Borgnesse. Elle n’en aurait pas moins été choisie par la reine pour "déniaiser" son jeune fils Louis, le futur Louis XIV, ce qui lui aurait valu une situation privilégiée au près de la famille royale.

    Deux faits connus marquent l’histoire de cette demeure. Le 26 août 1660, lorsque Louis XIV entre dans Paris pour présenter aux parisiens son épouse, l’infante d’Espagne Marie-Thérèse, sa mère la reine Anne d’Autriche mais aussi la reine d’Angleterre, Mazarin et Turenne l’ont accueilli du haut du balcon de l’hôtel de Beauvais. De novembre 1763 à avril 1764, le jeune Wolfgang Amadeus Mozart logea avec ses parents dans cet hôtel, alors propriété de l’Ambassadeur de Bavière, le comte van Eyck.

    Devenu aujourd’hui le cadre de la Cour Administrative d’Appel, le magnifique hôtel de Beauvais est en principe accessible (tout du moins sa cour) en semaine, en demandant avec courtoisie au gardien à en admirer discrètement la cour.

     

    Hôtel de Beauvais

     

    Devenir de l’hôtel de Beauvais   (Source Wikipédia)

    Hôtel de Beauvais vers 1886.

    Le Troyen Jean Orry achète l'hôtel de Beauvais en 1706.

    Depuis 1697 Orry a fait fortune dans la fourniture aux armées, avant de devenir conseiller du roi.

    C'est lui que Louis XIV délègue à Madrid de 1701 à 1706 pour assister le duc d'Anjou appelé sur le trône d'Espagne.

    C'est lui encore que Philippe V rappelle outre-Pyrénées de 1713 à 1715, pour en faire son véritable premier ministre. Son fils, Philibert Orry, naît en 1689.

    Protégé du cardinal Fleury sous la minorité de Louis XV, il deviendra contrôleur général des finances et surintendant des bâtiments du roi pendant une quinzaine d'années, de 1730 à 1745.

    Décédé en 1747 sans descendance, c'est son neveu le poète Louis Philibert Orry qui hérite de tous ses biens par substitution, biens qu'il dilapide.

     

    En 1763, l’hôtel est loué par le comte Maximilien Emmanuel Franz van Eyck (1711-1777), ambassadeur de l'électeur de Bavière, qui y installe un tripot en application de son droit d'extraterritorialité et des plein pouvoirs du roi, donnés en octobre 1755.

    Van Eyck avait épousé Maria Anna Felicitas (1741-1764), qui était la fille du premier chancelier de Salzbourg, le comte Georg Anton Felix Arco. La jeune femme, que le jeune Mozart aimait remarquablement et qui le lui rendait bien, mourut le 6 février 1764.

     

    Il y accueille pendant cinq mois le jeune Mozart, alors âgé de 7 ans. Mozart y arrive le 18 novembre 1763 à trois heures et demie de l'après-midi, avec Marianne, sa sœur, et leur père Léopold. L'occupant des lieux fait transporter le clavecin de la comtesse dans la chambre des Mozart. Wolfgang n'aura 8 ans que le 31 janvier, il est trop petit pour voir le jardin suspendu, au-dessus des stalles prévues pour dix-huit chevaux dans la cour de l’hôtel. C'est sa première tournée parisienne.

    À ce propos Léopold écrit  :

    « Nous sommes donc arrivés le 18 novembre à l’hôtel du Comte van Eyck qui nous a reçus très amicalement et nous a montré notre chambre où nous sommes installés commodément et fort bien. Nous avons le clavecin de Madame la Comtesse dans notre chambre car elle n’en a pas besoin. Il est bon, et a comme le nôtre, deux claviers » »

    — Leopold à Lorenz Hagenauer.À Paris, le 8 décembre 1763.

     

    Les Mozart quittèrent l’hôtel pour Londres le 10 avril 1764.  En 1769, Van d’Eyck devint propriétaire de l’hôtel et, à sa mort, en 1777, il laissa l’hôtel à ses filles..

     

    Saisi pendant la Révolution française car les filles de van d’Eyck avaient émigré et transformé en bureau de diligence, l'hôtel est ensuite loué et modifié pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle.

     

    Christine de Suède y séjourna durant son exil.

     

    Lors de sa visite officielle à Paris, le roi Pierre Ier de Serbie, en novembre 1911, réclama de visiter l'hôtel de Beauvais. Il y fut accueilli par des locataires enthousiastes et applaudi aux fenêtres.

     

    Eugène Atget a réalisé une série de clichés de l’hôtel de Beauvais en 1902.

    Acheté 200 000 francs par la mairie de Paris en 1943 à la famille Simon dans le cadre de la spoliation des familles juives (le jeune Morejno Simon, né le 7 juillet 1932, est déporté en 1942 vers Auschwitz ou il est assassiné par les nazis dès son arrivée, le 29 Aout 1942),

     il devient à la Libération un immeuble de logements locatifs, couvert par la loi de 1948, occupé jusqu'en 1985/1986. Il est alors laissé quasiment à l'abandon et fait l'objet de nombreux projets, dont celui d'un institut des parfums de France.

     

    Hôtel de Beauvais

     

    L’hôtel de Beauvais aujourd’hui

     Cour et façade intérieures de l'Hôtel de Beauvais.

     Après avoir été restauré, sous la direction de Bernard Fonquernie architecte en chef des monuments historiques, et remis dans son état initial par la suppression des découpes d’étage destinées à améliorer la rentabilité locative il accueille depuis 2004 la Cour administrative d’appel de Paris.

     

    Les contraintes du terrain exigu, à quinze côtés, donnent un caractère insolite à cet hôtel. Le terrain de forme irrégulière a imposé un plan original, notamment à la cour semi-ovale.

    Les 5 portes à mascarons, petits masques décoratifs, correspondent aux anciennes écuries.

     

    L'escalier à rampe en fer forgé est aussi remarquable.

    Dans son Cours d'architecture, ou Traité de la décoration, distribution et construction des bâtiments : contenant les leçons données en 1750 et les années suivantes Tome 3.

     Jacques-François Blondel (1705-1774) fait une analyse architecturale de L’hôtel de Beauvais (page 444 et suivantes)

     

    Il existe sous la cour, entièrement construite sur les voûtes, des caves ayant été vidées de leur gravats dans les années 1970 par les bénévoles de l'association du Paris Historique et du Festival du Marais qui avait ses locaux au rez-de-chaussée et au premier étage.

     En 1974, ces caves gothiques ont servi de lieu de spectacle (café théâtre) pour la première fois dans le cadre du Festival du Marais, après une restauration sommaire et provisoire.

     

     Une seconde série de caves gothiques, actuellement inaccessibles depuis la rénovation de l'hôtel, auraient permis une communication avec celles d'un immeuble de la rue de Jouy, face à l'hôtel d'Aumont.

    Sous la cour existe une vaste salle ou subsistent les restes d'un autel, vestige sans doute des occupants ecclésiastiques des locaux précédents.

     

    Du fait de sa conformation et de sa cour en forme de théâtre, l'hôtel de Beauvais apparaît dans de nombreux films français, notamment La Banquière avec Romy Schneider ou Camille Claudel avec Isabelle Adjani, ainsi que dans L'Insoutenable Légèreté de l'être du réalisateur américain Philip Kaufman.

     

    Hôtel de Beauvais

     

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